Et si l’on arrêtait de se plaindre au travail ?

« J’ai trop de travail », « Je suis overbooké », « J’ai beaucoup trop de mails », « Mon patron est insupportable », « Je n’en peux plus de mes collègues »… Combien de fois avons-nous entendu ou répété nous-mêmes ces phrases ? Selon les chercheurs, nous nous plaindrions 15 à 30 fois par jour de notre activité professionnelle, soit l’équivalent de 32 minutes d’affilée sur une journée… Mais pourquoi donc nous plaignons-nous si régulièrement d’une activité dans laquelle nous investissons tant de temps et d’efforts ? 

Plusieurs scientifiques se sont penchés sur le sujet et ont pu tirer des conclusions étonnantes : des paramètres concrets, sur le plan psychologique ou sociologique, permettent de comprendre pourquoi nous nous plaignons de notre travail.

Se plaindre, ça veut dire quoi exactement ?

Selon le dictionnaire Larousse, cela revient à « exprimer (à quelqu’un) son mécontentement ou sa protestation au sujet de quelque chose, de quelqu’un. » C’est donc une façon de manifester notre négativité en réaction à notre environnement.

Vous ne pensez pas faire partie de la catégorie des râleurs au travail ? Répondez à ces questions pour en avoir le cœur net :

  • Avez-vous l’impression que votre travail n’est jamais assez bon ?
  • Vous attendez-vous toujours au pire ?
  • Vous arrive-t-il souvent de vous demander pourquoi les gens au travail ont l’air de si bonne humeur ?

Si vous avez répondu à l’une de ces questions par l’affirmative, un conseil : continuez de lire cet article 🙂

Pourquoi nous plaignons-nous au travail ?

Afin de comprendre pourquoi le ras-le-bol fait partie de notre quotidien professionnel, il convient d’examiner de plus près la façon dont nous nous comportons chaque jour.

Notre plainte vient du stress

Soyons réalistes, le stress fait partie intégrante de notre lieu de travail. Les principales sources de stress dont on entend le plus souvent parler en entreprise sont :

  • Le manque d’information/de contexte concernant les consignes de travail
  • Un souci d’organisation des tâches
  • Un manque de clarté hiérarchique
  • Des projets irréalisables
  • Des deadlines constamment changeantes

Mais avant de pouvoir résoudre ces problèmes, il peut s’écouler des mois… voire des années. Par conséquent, nous avons besoin de trouver un exutoire qui, le plus souvent, se manifeste par la plainte. Mais à force de se plaindre, on risque bien de ne jamais s’arrêter.

En 1949, un psychologue Canadien du nom de Donald O. Hebb publia un livre intitulé L’organisation du comportement[1], qui explique comment notre cerveau génère nos habitudes de vie. Lorsque nous pensons à quelque chose ou ressentons une émotion, des milliers de neurones sont stimulés et se rassemblent, pour former un réseau neuronal. Et si cette pensée revient régulièrement, le cerveau apprend à stimuler la même masse neuronale à chaque fois que cette idée germe dans notre tête.

En d’autres termes si, de manière répétitive, nous habituons notre cerveau à voir les choses de façon négative, il sera alors difficile de nous arrêter car nous l’aurons « éduqué » de cette façon. C’est mathématique, plus nous nous plaignons, plus nous continuerons à nous plaindre.

Nous nous concentrons trop sur le négatif

En observant de plus près le mécanisme de la plainte, on remarque qu’il est souvent lié à la façon dont nous analysons notre environnement ou notre propre personnalité au travail. Nous avons tendance à nous concentrer sur la façon dont notre travail est perçu par les autres, et il en résulte souvent un constat négatif : « personne ne comprend mon stress », « je suis surchargé de travail », « j’ai beaucoup trop de deadlines »… En bref, nous nous apitoyons la plupart du temps sur notre sort.

Et lorsque nous analysons le travail des autres, la plainte devient souvent un jugement moral. Un tel n’a pas les compétences pour exécuter ce genre de tâche ou bien il ne fait pas preuve de pro-activité, il n’a pas assez d’expérience, etc. Ces jugements sont souvent émis en présence d’une ou plusieurs oreilles attentives, pour obtenir leur accord. Pourquoi cela ? Car obtenir l’aval de son auditoire nous conforte dans notre plainte et nous permet de continuer en toute légitimité.

Traduction : en choisissant de nous concentrer sur le négatif, nous façonnons notre comportement.

Nous nous plaignons dans un but précis

L’auteur Linda Byars Swindling s’intéresse tout particulièrement aux raisons qui nous poussent à nous plaindre[2]. Dans cette optique, elle dresse une liste de 5 plaignants différents :

  • Le pleurnicheur : celui qui se plaint de ses problèmes pour susciter de la sympathie auprès des autres, afin de leur montrer à quel point la vie est injuste envers lui. En somme, il cherche à prouver qu’il est incompris et que ses efforts ne sont pas appréciés à leur juste valeur.
  • Le « compliquateur » : celui qui ne supporte pas le changement et/ou l’instabilité et cherche à les éviter en créant du drame. Pourquoi introduire un nouvel élément au travail alors que notre propre fonctionnement est défectueux ? Tels sont ses arguments.
  • La « Prima Donna » : celui qui cherche à montrer aux autres à quel point on le surcharge de travail. Une façon de se poser en martyr auprès de ses collègues.
  • Le contrôleur : celui qui veut à tout prix prendre les choses en main lors d’une situation négative. Il justifiera souvent son action en expliquant à son collègue que son travail est trop chronophage et qu’il faut faire les choses à sa manière, au risque de dépasser la deadline fixée.
  • Le plaignant toxique : celui qui bouscule violemment les autres pour pouvoir prendre la main. Il utilisera alors souvent des termes violents et agressifs pour décrédibiliser son adversaire, comme par exemple : « Cette campagne est nulle ! Il faut tout revoir ».

En conclusion, on se plaint toujours pour obtenir quelque chose.

Comment arrêter de se plaindre au travail ?

Après avoir analysé pourquoi et comment nous nous plaignons, il convient à présent de nous demander : que pouvons-nous faire concrètement pour arrêter ce mécanisme ? Voici quelques astuces pour démarrer votre journée de travail de façon plus productive.

Astuce #1 : changer un mot ou une phrase

L’écrivain James Clear nous livre son secret pour combattre nos attitudes négatives : changer un mot dans notre vocabulaire peut nous aider à voir les choses de manière plus positive. Ainsi, au lieu de dire « je dois faire ça », disons plutôt « je peux faire ça ». Car c’est précisément dans le choix de nos mots que notre plainte va s’actionner. Si vous troquiez cette phrase : « on me confie la mission la plus difficile » contre celle-ci : « j’ai eu la chance d’être choisi pour cette mission », vous choisissez de vous concentrer sur les éléments positifs autour de vous et décidez donc de voir le verre à moitié plein.

Astuce #2 : Faire une « plainte sandwich »

Selon le psychologue Guy Winch, il est très mauvais d’« étouffer » ses plaintes. Autrement dit, ça n’est pas parce que nous n’exprimons pas nos plaintes à voix haute qu’elles disparaissent. Il faut donc trouver un moyen de les formuler de façon positive, pour améliorer son quotidien au travail.

Mais comment se plaindre de manière constructive ? On intègre notre plainte entre deux éléments positifs, comme un jambon entre deux tranches de pain. Il suffit de commencer et terminer sa revendication par un élément positif, afin que notre interlocuteur la digère mieux. Par exemple : « j’apprécie notre collaboration, mais je ne suis pas satisfait de notre mode de communication, bien que tu sois toujours à l’écoute ».

Astuce #3 : parler de façon spécifique, en utilisant des verbes d’action

Les plaintes trop vagues de type « je n’y arrive pas », « on me traite injustement », débouchent rarement sur une solution. En se plaignant de façon plus constructive, on peut alors obtenir des résultats bien plus concrets. Au lieu de dire « ce design est lamentable », on pourrait remplacer cette phrase par « ce design a besoin d’être plus adapté à la clientèle x, qui est sa cible clé ». À plainte spécifique, solution spécifique.

Astuce #4 : évitez les personnalités toxiques

Comme tout type de virus, la négativité est contagieuse. Une bonne façon d’arrêter de se plaindre est d’éviter de fréquenter des personnes qui ne jurent que par le négatif. Certes, il est agréable de trouver un camarade de miséricorde dans les moments difficiles mais il vous sera alors difficile de sortir de ce cercle vicieux.

Un conseil : allez faire un tour du côté des optimistes ou des nouveaux-arrivants dans l’entreprise et laissez-vous porter par leur enthousiasme. Vous verrez, cela aussi c’est contagieux.

Astuce #5 : brisez vos habitudes

Comme nous l’avons vu précédemment, nous habituons notre cerveau à la plainte et il ne tient qu’à nous d’y mettre un terme. Cela risque de nous démanger quelque temps mais comme pour tout, on s’y habitue.

Article rédigé pour Good Good Work


[1] Donald O. Hebb, The Organization of Behavior: A Neuropsychological Theory, New-York, New Ed, 2002
[2] Linda Byars Swindling, Stop Complainers and Energy Drainers: How to Negotiate Work Drama to Get More Done, New-York, Wiley, 2013.

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